Les lendemains du 7 janvier 2015
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9 janvier 2015 Informations | 4 commentaires
Nous sommes tous encore, probablement, sous le choc de l’horreur qui s’est produite mercredi, avec la tuerie qui a eu lieu dans les locaux de Charlie Hebdo. Si nous avons naturellement tous le devoir de nous sentir concerné par ce tragique événement, notre association en tant que telle est aussi concernée.
Défendre des droits fondamentaux comme la liberté d’expression et le respect de la vie privée a toujours été la motivation première de nos actions. La liberté de la presse a été fortement touchée mercredi, mais les conséquences de ce massacre pourraient être bien plus importantes et durables, dans les semaines ou les mois qui suivront. La peur conditionne à accepter ce que l’on n’accepterait jamais dans d’autres circonstances.
Le plus gros risque qui nous guette désormais, c’est que nos élus en profitent pour voter un document similaire au Patriot Act, écrit aux États-Unis les lendemains du 11 septembre 2001. Tolérer la surveillance massive, les contrôles abusifs et toutes les dérives sécuritaires assimilées parce que nous avons peur, c’est accepter d’être terrorisés et donc admettre que les terroristes ont gagnés.
Jean-Pierre Dubois, juriste et président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme, a déclaré : « Ben Laden a gagné en 2001 parce qu’il voulait que Bush fasse ce qu’il a fait. Il ne faut pas satisfaire ceux qui veulent que disparaissent la liberté et la démocratie. ». Lorsqu’un juge lance une vague de perquisitions en Espagne pour interpeller des citoyens, uniquement parce qu’ils ont eu le tort de s’intéresser au chiffrement pour mieux protéger leur vie privée, c’est aussi une victoire du terrorisme sur la démocratie.
Robert Badinter, ancien ministre de la Justice, a également déclaré : « Ce n’est pas par des lois et des juridictions d’exception qu’on défend la liberté contre ses ennemis. Ce serait là un piège que l’histoire a déjà tendu aux démocraties. Celles qui y ont cédé n’ont rien gagné en efficacité répressive, mais beaucoup perdu en termes de liberté et parfois d’honneur ».
Qu’on apprécie ou non leur travail, ceux qui sont morts mercredi se battaient pour nos libertés. Ceux qui les ont tués souhaitent manifestement nous en priver. La conclusion de leurs actes ne doit donc surtout pas être une (nouvelle) réduction de ces libertés, sous prétexte de nous protéger d’eux.
Battons nous pour que ces gangsters ne modifient pas notre société dans ce sens, tant dans nos têtes que dans nos lois, et que la liberté l’emporte sur le flicage insupportable qui draine systématiquement le renfermement, la stigmatisation et la privation. Comme Benjamin Franklin (l’un des Pères fondateurs des États-Unis) l’aurait exprimé en son temps, nous ne devons pas sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité, car ne nous mériterions alors ni l’une ni l’autre, et finirions par perdre les deux.
Dans cet esprit, à la suite de l’attentat d’Oslo et du massacre d’Utoya, le premier ministre norvégien Jens Stoltenberg a déclaré : « nous allons répondre à la terreur, par plus de démocratie, plus d’ouverture et de tolérance ». Il faut d’ores et déjà commencer à faire passer ce message, auprès de nos amis, notre famille comme nos collègues.
P.-S. : Claude Bartolone, président de l’Assemblée Nationale a déclaré que les lois existantes pour lutter contre le terrorisme lui semblaient suffisantes. Cette déclaration apparaît comme très positive, et il est à souhaiter que son message sera entendu par le reste de la classe politique (ce qui ne semble pas gagné). Les réactions des journalistes à ce sujet, notamment celles entendues lors de la soirée d’hommage organisée par Médiapart, laissent également entrevoir une lueur positive, donnant l’espoir que les médias veilleront à dénoncer toute dérive sécuritaire.
Il serait également intéressant de remettre en question certains articles des lois qui empiètent déjà abusivement sur nos libertés individuelles, comme celle de programmation militaire ou encore celle de Cazeneuve dite « anti-terroriste », pour aller dans le sens positif proposé par Stoltenberg.
Commentaires
4 commentaires sur “Les lendemains du 7 janvier 2015”
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Le seul soucis, c’est que, malheureusement, ce n’est pas encore @si ou Mediapart qui sont majoritairement lus ou écoutés. Les gens qui se renseignent via BFM ou Itélé vont être rapidement convaincus que nos lois sur la sécurité ne sont pas suffisantes.
La Gauche pourrait se laisser tenter par adopter un discours sécuritaire en vue de 2017 et la Droite, poussée par Nicolas Sarkozy, pourrait bien vouloir promettre monts et vallées en la matière.
Enfin tout ça pour dire, que je m’interroge sur les moyens d’actions plus massifs pour faire passer ce message. Pour l’instant, on est encore sous l’émotion, mais après ?
[…] Il va falloir être attentif pour le futur. Non pas en créant tant et plus de lois sécuritaires et liberticides, mais en traitant le mal à la racine : pauvreté, exclusion, racisme… Ce sont les causes réelles de la radicalisation de certains paumés (ce terme n’est pas utilisé ici dans son sens péjoratif). […]
[…] L’article original a été rédigé collectivement par les membres de LDN, il est reproduit ici avec l’autorisation de son président Julien VAUBOURG : […]
[…] nous inquiéter des mesures sécuritaires qui risquent de découler de ce jour funèbre… mais nous avons déjà dit tout ce que nous avions à dire à ce sujet, après les attentats de janvier. Bien que nos craintes […]